Les pratiques vocales : styles et techniques
Dans le champ des musiques actuelles, il n'y a pas de technique vocale unique, mais une multitude d'approches. Rien de commun par exemple entre la voix de certains crowners américains, techniquement assez proches du chant classique et un chanteur punk anglais… Rien de commun non plus entre certaines chanteuses de jazz et de musique soul utilisant voix de poitrine et voix de tête, et une chanteuse de chanson à texte française ne chantant qu'en voix de poitrine sur une tessiture réduite, proche du parlé.
Voici 4 exemples de pratiques courantes
Le belting
Le belting ? C'est un geste vocal utilisé exclusivement en musiques actuelles et dont on trouve les premiers exemples enregistrés dans les années 1950. Voici Ethel Merman :
Il est à noter qu'il est plus employé par les chanteuses que par les chanteurs.
En quoi ça consiste ? Le belting ne s'utilise qu'en mécanisme 1 (voix de poitrine). Le larynx est plutôt haut, la cavité pharyngée peu ouverte. En revanche, l'ouverture du maxillaire est importante. Le conduit vocal est donc raccourci. Les cordes sont épaisses, raccourcies, très contractées et l'accolement est ferme.
Le résultat sonore : du fait de la place prépondérante donnée au résonateur avant (cavité buccale), il privilégie les harmoniques aigües. Il permet également une augmentation vers l'aigu de la tessiture en mécanisme 1. La voix donne un sentiment de puissance.
Les avantages : possibilité d'augmenter sa tessiture vers l'aigu sans avoir à gérer la question du passage en mécanisme 2. Bien maîtrisé, il ne présente pas de danger pour l'appareil phonatoire.
Les inconvénients : une certaine stridence qu'on observe fréquemment. Par ailleurs, c'est une technique dédiée, donc non utilisable pour certains répertoires. Enfin : il est impossible de faire de nuances : plus on va vers l'aigu, plus le volume sonore est élevé.
Dans la pratique Le belting implique un investissement physique (soutien notamment) auquel tout le monde n'est pas prêt. Il est difficile de concilier cette technique avec l'usage du mécanisme 2.
La voix saturée
La voix saturée est très utilisée chez les chanteurs métal notamment.
En quoi ça consiste ?
Elle est produite par une source vibrante impliquant plusieurs « co-vibrateurs ». Pour les sons graves et médium, il s’agit d’un mécanisme supralaryngé dans lequel les bandes ventriculaires vibrent plus lentement, à la quinte ou à l’octave inférieure par rapport à la fréquence des cordes vocales. Dans l’aigu, d’autres structures peuvent aussi participer à la vibration, en particulier l’épiglotte et les aryténoïdes. Ce mécanisme est similaire à celui décrit dans d’autres techniques vocales sous le terme de « period doubling ».
D'où cela vient-il ?
Du fond des âges, très probablement. Les chanteurs de musique traditionnelle sarde l'utilisent dans le « canto a tenore », qui se pratique souvent en polyphonie :
Dans les années 1970, certains groupes rock ont été précurseurs. Ici Les Who :
Bien d'autres chanteurs l'ont utilisée, entre autres Michael Jackson, Louis Armstrong, Tom Waits, Aretha Franklin, Chris Cornell. Voici un exemple d'utilisation par un chanteur métal :
Est-ce dangereux pour les cordes vocales ?
Lorsque la saturation est émise sainement, elle n’est absolument pas dommageable pour les cordes vocales. Des études ont été réalisées il y a quelques années sur cette question à l'hôpital Lariboisière à Paris.
Comme pour n'importe quelle situation de chant, les enrouements et picotements sont un signe d'alerte. Tout comme le « chant clair », le chant saturé demande une conscience prècise du geste vocal.
D'un point de vue pratique, un chanteur qui se fatigue en voix normale, aura très probablement une mauvaise maîtrise de la voix saturée.
Le résultat sonore :
La voix saturée est un effet : elle ne gomme en rien les différences entre les voix. Chaque chanteur a sa manière de saturer. Le mécanisme est performant et permet de crier durablement. Quand un chanteur a trouvé le son qu’il cherche, il le ressent autant qu'il l'entend. L'aspect kinesthésique est essentiel dans cette technique.
Le mixage
Le mixage est le fait de lisser le passage entre mécanisme 1 et 2 de manière à le rendre le moins audible possible. C'est la technique la plus polyvalente quand une utilise voix de poitrine et voix de tête.
Pourquoi ? La culture occidentale n'aime pas, sauf exception (les Tyroliens) le fait de passer brutalement d'un mécanisme à l'autre. Elle souhaite en revanche utiliser le maximum de l'ambitus vocal. D'où ce travail de fusion mentionné et pratiqué dès le XVIIème siècle.
D'un point de vue physiologique, le passage entre les deux mécanismes ne peut être qu'instantané. Les deux muscles vocaux changent d'aspect. Le mixage permet par l'action d'autres muscles du larynx de compenser ce phénomène.
Quand mixer ? Pour chaque type de voix, il existe un moment plus opportun, une note-pivot autour de la laquelle le mixage se fera en souplesse.
En fonction de ce qu'on chante et aussi de son rapport avec sa propre voix, plusieurs solutions sont possibles. Plus le passage est décalé vers l'aigu, plus il est audible.
Voici un exemple avec le chanteur de « Glenn Miller and his orchestra », dans lequel la voix mixte permet une douceur et une sensualité inégalable.
La voix soufflée
C'est une voix dans laquelle on entend le bruit de l'air qui passe. L'accolement des muscles vocaux est partiel. L'émission est plutôt engorgée, très peu sonore et fatigante pour le larynx. Les chanteurs utilisent cet effet pour créer de la proximité, donner la sensation à l'auditeur qu'on lui chante dans l'oreille. Contrairement aux pratiques décrites ci-dessus, la voix soufflée ne peut être utilisée durablement sans risque pour les cordes vocales : à utiliser avec modération. En voici un exemple. (Ray Lamontagne)
Mis à jour le 02-07-2024