La respiration du chanteur

Le sujet est complexe : j'essaie dans cette page de le traiter de manière claire et abordable. Je laisse volontairement de côté la description anatomique des organes concernés.

Prendre ou recevoir l'air ?

Nous ne prenons pas l'air comme un carnivore happerait sa proie : l'air entre en nous. Lorsque nous dilatons notre cage thoracique, la pression intra-pulmonaire diminue et devient inférieure à la pression externe, ce qui provoque un appel d'air.

⇛ Un acte conscientisé

La respiration du quotidien est un acte réflexe : elle n'est pas conscientisée. Lors du chant, nous en prenons le contrôle. Pourquoi ? Parce que celle-ci ne peut avoir lieu n'importe quand : l'agencement des phrases musicales et les contingences du texte chanté nous obligent à choisir des moments appropriés pour placer nos respirations. On ne respire pas entre deux syllabes d'un mot par exemple. Dans ce domaine, comme dans d'autres, les nécessités biologiques et les questions d'interprétation se télescopent.

⇛ Inspiration buccale ou nasale ?

L'air entrant par le nez est filtré et réchauffé, ce qui n'est pas le cas de l'air entrant par la bouche. En revanche, la respiration buccale permet un débit beaucoup plus élevé, ce qui est déterminant pour un chanteur qui se trouve fréquemment en situation d'inspirer dans un temps trè court.

⇛ Quel geste inspiratoire ?

A l'inspir, plus le diaphragme s'abaisse, plus la cage thoracique se dilate. Cette dilatation s'effectue vers le bas mais aussi latéralement et d'avant en arrière. Ce mouvement du diaphragme vers le bas repousse les organes du système digestif, d'où mouvement vers l'extérieur du ventre, à condition toutefois que les muscles de la sangle abdominale soient relâchés. La prise d'air est donc proportionnée à cette ouverture et à ce mouvement vers le bas. On peut donc dire que plus le besoin en air est important, plus le relâchement abdominal et l'abaissement du diaphragme seront marqués.

D'un point de vue pratique, il importe de partir de ce que fait le chanteur pour déterminer si son geste inspiratoire est pertinent au regard de sa pratique vocale. Et surtout ne pas chercher à imposer un modèle-type, comme on l'a fait si longtemps.

⇛ L'inspiration est bruyante, c'est normal ?

On entend beaucoup de chanteurs inspirer bruyamment. Ce n'est pas parce que c'est fréquent que c'est souhaitable. Si l'inspiration est bruyante, c'est parce que le conduit vocal est trop resserré. Le bruit est provoqué par le frottement de l'air.

Pas assez d'air ? Trop d'air ?

Au quotidien, dans une conversation, nous respirons entre 12 et 15 fois par minute. Dans un répertoire de chanson française récente, les chanteurs respirent toutes les 3-4 secondes. Dans le répertoire lyrique, les phrases dépassent couramment les 10 secondes. Le volume d'air et donc le mode respiratoire doivent être adaptés au style de musique pratiqué.

⇛ Je n'arrive pas à terminer mes phrases.

Je ne prends pas assez d'air ! Quand on questionne les chanteurs inexpérimentés sur leurs problèmes de tenue de souffle, cette hypothèse est la première qu'ils émettent. Dans la réalité des faits, c'est rarement le cas. Notre système respiratoire nous pousse plutôt, par instinct de conservation, à en prendre trop.

⇛ Je prends trop d'air : pression interne et dioxyde de carbone.

La question de la pression interne : si vous prenez beaucoup d'air en réalisant une inspiration profonde, vos poumons et votre cage thoracique se dilateront fortement. Maintenir cette dilatation est coûteux en énergie, les organes souhaitant revenir à leur position de repos. Cette situation étant très inconfortable, mieux vaut proportionner la prise d'air aux besoins réels.

Par ailleurs, l'air que nous inspirons ne nous sert pas que pour chanter ! Il a pour fonction première de permettre les échanges gazeux à l'intérieur de l'organisme. Au fil de l'expiration, le taux d'oxygène contenu dans l'air pulmonaire baisse au profit du dioxyde de carbone. Si cette expiration est trop lente au regard de la prise d'air, nous aurons la sensation de nous étouffer, tout simplement parce que nous manquons d'oxygène.

⇛ Je dépense trop d'air.

Ce constat nous amène logiquement à la notion de soutien.

Soutenir

C'est proportionner le débit d'air aux besoins laryngés.

⇛ Les forces en présence au fil de l'expiration.

Imaginons un chanteur qui réalise une phrase d'un ambitus modéré, d'une durée de 7 ou 8 secondes sans modifier le volume vocal. Dans un premier temps, la pression intra-thoracique sera supérieure à la pression externe, aussi le chanteur utilisera t-il sa musculature pour limiter le débit d'air provoqué par l'élasticité naturelle des poumons. On passera ensuite par une situation confortable mais brève ou pression interne et pression externe s'équilibrent. Enfin, la dernière partie de la phrase musicale sera réalisée alors que la pression interne est de plus en plus basse. L'enjeu sera alors de maintenir le débit : la sangle abdominale y pourvoit.

⇛ Les moyens musculaires mis en œuvre.

Le sujet est vaste ! Prenons l'exemple du temps d'inspiration. Si celle-ci est costale, elle mettra en jeu pectoraux et scalènes notamment. Avec une inspiration costo-abdominale, ces derniers s'effaceront en grande partie au profit du diaphragme et des muscles intercostaux. Enfin, si vous prenez votre air avec une inspiration abdominale, la détente des muscles abdominaux est essentielle.

⇛ Stratégie respiratoire et style musical.

D'une esthétique musicale à l'autre, les phrases sont plus ou moins longues et les besoins de projection plus ou moins importants. Il est donc essentiel de s'abstenir de définir un geste qui conviendrait à tous. Les chanteurs classiques inspirent plus bas pour augmenter le volume d'air pulmonaire. Chez les chanteurs de musiques actuelles, la respiration est souvent plus haute : costo-abdominale, ou costale. Ce qui leur évite une prise d'air trop importante et permet des inspirations plus rapprochées.

Reprendre de l'air

Même si cela semble évident, je préfère le préciser : on ne pratique pas l'apnée en chant. L'inspiration et le chant s'enchaînent sans temps d'arrêt.

Reprendre de l'air c'est d'abord détendre les muscles abdominaux. Si cette détente n'a pas lieu, l'inspiration ne sera pas efficace. Il sera difficile de tenir une longue phrase. On peut aisément tester cette capacité en effectuant des expirations de 10-15 secondes sur le son tsss, séparées par des inspirations de 2 secondes. Si on arrive à maintenir la durée des expirations, c'est que les inspirations sont performantes.

Mis à jour le 18-03-2025