Les mécanismes laryngés
Si vous réalisez un glissando (une sirène) du grave vers l'aigu sur un a, vous allez ressentir une cassure : c'est le passage entre mécanisme 1 (mécanisme lourd ou encore voix de poitrine) et le mécanisme 2 (mécanisme léger ou encore voix de tête).
Si le sujet vous intéresse, vous apprendrez rapidement qu'il existe également un mécanisme 0 (fry, strohbass) et un mécanisme 3 (voix de sifflet). Ces 4 mécanismes concernent les enfants, les femmes et les hommes, même si, ponctuellement, telle ou telle personne peut avoir une difficulté à produire tel ou tel mécanisme.
Écoutez une voix de femme réaliser un glissando balayant les 4 mécanismes laryngés :
Vous avez du mal à percevoir les passages ? Voici le même extrait au ralenti :
Soit approximativement 4 octaves dans le cas présent.
Le fonctionnement
Le mécanisme 0 est produit avec une très faible pression d'air. Les cordes vocales sont relâchées : les cartilages aryténoïdes se rapprochent (partie postérieure seulement) et produisent un son très grave qui ressemble à un râle. Le mécanisme 0 ne permet pas un contrôle très précis de l'intonation (d'où son nom anglais, fry, c'est à dire friture, comme dans une mauvaise réception radiophonique).
Le mécanisme 1 est notre quotidien : l'immense majorité des hommes et la majorité des femmes parlent en voix de poitrine. Les cordes sont plutôt courtes et vibrent sur toute leur longueur.
Le passage en mécanisme 2 (voix de tête, fausset, falsetto) se caractérise par une vibration moins ample des cordes vocales, un amincissement de leur bord et une pression sous-glottique plus faible. L'activité du muscle vocal diminue au profit de celle du muscle crico-thyroïdien. La zone de fréquences du passage varie peu d'un sexe à l'autre. En revanche, le mécanisme 1 est plus étendu vers le grave chez l'homme, et le mécanisme 2 vers l'aigu chez la femme.
Dans le suraigu, et concernant les voix de femmes, la voix dite de sifflet permet d'aller au-delà du contre-ut, jusqu'au contre-fa, voire plus (La chanteuse Mado Robin plaçait régulièrement des contre-sols non écrits dans ses récitals). L'air passe avec une forte pression dans une zone réduite des cordes vocales qui ne vibrent pas du tout.
Le passage entre deux mécanismes
Le passage est soudain au niveau du vibrateur quoi qu'il arrive : on le remarque à l'aide de l'ECG (électroglottographie). En revanche, le chanteur peut travailler le réajustement évoqué plus haut pour parvenir à une modification en douceur de l'équilibre musculaire et rendre ce passage inaudible : on aura alors une continuité sonore parfaite entre mécanisme 1 et 2.
Les tessitures des différents mécanismes
Imaginons un véhicule doté d'une boîte de vitesses à deux rapports. En fonction de son style de conduite, le conducteur pourra passer plus ou moins tard la seconde. On peut même envisager qu'il ne la passe jamais, ou encore qu'il démarre directement en seconde !
Il en va de même pour le passage entre voix de poîtrine et voix de tête. Une chanteuse pratiquant le répertoire classique peut faire carrière quasiment sans utiliser la voix de poîtrine. A l'inverse, on peut affirmer qu'Edith Piaf n'a jamais utilisé sa voix de tête.
La zone de recouvrement entre mécanisme 1 et mécanisme 2 peut atteindre une octave.
Mécanismes et pratiques vocales
Le mécanisme 0 ou fry concerne l'extrême-grave. Il est peu sonore, donc plutôt utilisé en musiques amplifiées. Par ailleurs, l'articulation d'un texte est quasi impossible. Les bouddhistes l'utilisent dans leurs pratiques de prière. Pour le trouver, vous pouvez partir d'un son euh tel qu'on l'emploie quand on cherche ses mots.
Les hommes utilisent très majoritairement la voix de poîtrine dans le chant comme dans la parole. Deux exceptions toutefois : les contre-ténors qui utilisent les mécanismes comme le fait une mezzo-soprano et certains chanteurs de rock qui aiment à placer des phrases en voix de tête dans leurs chansons.
Chez les femmes, la situation est plus complexe : une chanteuse pratiquant le répertoire classique utilisera pour l'essentiel le mécanisme 2, le mécanisme 1 étant réservé aux passages les plus graves ou à certains effets. A l'inverse, les chanteuses de variété française utilisent très peu la voix de tête pour laquelle la compréhension du texte est plus difficile à assurer. Les chanteuses de jazz et de soul sont plus polyvalentes : elles chantent pour l'essentiel en voix de poîtrine, mais utilisent souvent le mécanisme 2 : écoutez par exemple Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan.
La voix de sifflet ne concerne guère que les chanteuses abordant le répertoire d'opéra. L'exemple le plus emblématique est le rôle de la Reine de la nuit dans la Flûte enchantée de Mozart. Chez certaines cantatrices, on entend bien la différence entre voix de tête et voix de sifflet.
Mis à jour le 18-03-2025